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guerre civile - Page 7

  • En état de guerre civile...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Damien Le Guay au Figaro Vox à la suite de l'attentat du 1er octobre 2017 à Marseille, au cours duquel un terroriste islamiste a tué au couteau deux jeunes femmes. Philosophe et essayiste, Damien Le Guay a publié récemment La guerre civile qui vient est déjà là (Cerf, 2017).

     

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    Damien Le Guay: «Que nous le voulions ou non, nous sommes en état de “ guerre civile”»

    FIGAROVOX.- Une attaque au couteau a eu lieu hier, dimanche, à la gare Saint-Charles à Marseille. Deux femmes ont été tuées. L'assaillant, qui a crié «Allah Akbar» a été abattu. Votre dernier livre s'intitule, La guerre civile qui vient est déjà là. Est-ce à dire que nous sommes dans cette guerre civile - du moins sur certains territoires?

    Lorsque deux jeunes femmes innocentes (de 17 et 21 ans) sont égorgées au couteau, par-derrière, gare Saint-Charles et qu'un cri de guerre islamiste est répété par l'assassin, n'est-on pas en droit de constater qu'un climat de terreur est entretenu de mois en mois, attaques après attaques! Quand on constate que des attentats de ce type se répètent régulièrement sur notre territoire et qu'ils sont perpétrés par des nationaux, ne sommes-nous en droit de nous reconnaître dans une sorte de guerre civile qui ne dit pas son nom! Quand les victimes sont trucidées au hasard et que tous les meurtriers agissent au nom de l'Islam, ne sommes-nous pas en situation de guerre sur notre territoire! Ajoutons que le ministre de l'intérieur nous dit que des dizaines d'attentats ont été déjoués depuis le début de l'année et que 17.400 «fichés S» sont répertoriés, sans parler de tous ceux qui reviennent de Syrie et qu'il va falloir surveiller.

    De toute évidence quand des assassinats se répètent, régulièrement, avec toujours les mêmes revendications, quand la menace est désormais partout et que nous sommes tous des victimes en puissance, quand les mesures de sécurité augmentent dans tous les lieux publics, quand les spécialistes vous disent que nous en avons pour plus de vingt ans, est-il encore possible de considérer qu'il s'agit là de simples «faits divers» à répétition qu'il faut, à chaque fois, minimiser? Non. Et pourtant, à chaque fois (comme hier pour Marseille) nos autorités «déplorent» ces attentats, montrent leur «compassion» à l'égard des victimes, indiquent leur «indignation»

    et dénoncent (comme hier le ministre de l'intérieur) «une attaque odieuse». À chaque fois nos autorités éludent la situation, relativisent l'acte et considèrent l'assassin comme un «fou». Ainsi, hier, le premier ministre, dans un communiqué, s'est-il empressé, de dénoncer le «criminel» et de s'en prendre à «sa folie meurtrière». Non, Monsieur le premier ministre, il n'y a pas de «folie» dans un terrorisme politique qui vise, au nom d'une idéologie islamiste, à lutter contre l'Occident, contre les «infidèles», contre les «impurs», les kouffars que nous sommes tous. Non, Monsieur le premier ministre, à chaque fois on découvre que ces terroristes suivent, d'une manière ou d'une autre, les mots d'ordre de l'Etat islamique avec, souvent, des «cellules-souches» animées par un imam salafiste qui prêche la haine et finit par convaincre certains de ses fidèles qu'il faut tuer «des mécréants». Et comme on pouvait s'en douter, dimanche soir, l'Etat islamique a revendiqué l'attentat. Tout cela renforce l'évidence: certains, ici, nous détestent et feront tout pour détruire ce tissu national qui tient ensemble tout le monde et défend une certaine manière de vivre «à la française».

    Or, il nous faut considérer que des attentats répétés depuis au moins 2015, tous commis en invoquant le nom d'Allah, revendiqués par l'État islamique, ne relèvent pas de la folie d'individus isolés mais d'une action d'envergure et convergente, visant à lutter contre la France et ses valeurs pour imposer un climat de terreur et de défiance tous azimuts. De toute évidence, ces attentats sont liés les uns aux autres. Ils sont politiques avant d'être psychiatriques. Ils instaurent une «guerre civile larvée», selon l'expression de Gilles Kepel. Ne pas reconnaître cette «guerre civile» contre nous, entre nous, plutôt que d'améliorer la situation, l'aggrave. L'euphémisme tue, lui aussi. Nos politiques, par naïveté, manque de courage ou défaut de lucidité, refusent l'évidence. Dès lors, pour ne pas prendre la mesure de la situation, ils tergiversent. Plutôt que de soigner notre tissu national, ils laissent les problèmes s'envenimer. Prenons deux éléments. Le rejet de l'Islam ne cesse d'augmenter en Europe. En France l'enquête de Fondapol indiquait, il y a peu, que ce rejet est pratiqué par 60 % de nos concitoyens qui, dans les mêmes proportions, considèrent que l'Islam est une menace contre la République. D'autre part, les indices de radicalisation des Français musulmans augmentent. Un tiers d'entre eux, selon le rapport Montaigne d'il y a un an, font prévaloir les lois de l'Islam sur celles de la République. Et une enquête du CNRS indiquait, en mars dernier, que 15 % des lycéens musulmans de France pensent acceptable de lutter «les armes à la main pour sa religion».

    Si les indices sont graves et convergents pour laisser penser que nous sommes, que nous le voulions ou non, en «guerre civile», pourquoi nos politiques ne le reconnaissent pas?

    Une triple peur existe et paralyse nos politiques. D'une part, celle de «faire le jeu du Front national» en reconnaissant qu'est intervenu dans les années 2000 un raidissement de la communauté musulmane, sous l'influence de prêcheurs venus d'ailleurs, au point de promouvoir, ici ou là, une indifférente de rejet culturel ou une animosité à l'égard de nos manières de vivre et l'apparition de terroristes musulmans nationaux. L'immigration ne serait pas, contrairement au leitmotiv proclamé par tout le monde, seulement «une chance pour la France» et générerait une «insécurité culturelle», mise en évidence par Laurent Bouvet, grandement ressentie par la «France périphérique». D'autre part, la peur d'être suspecté «d'islamophobie» - concept extensif, protéiforme, manié sans discernement et rendant impossible toute discussion relative à l'Islam ou aux musulmans. Cette arme de destruction massive, sorte de «racisme imaginaire» dénoncé par Pascal Bruckner, étouffe tous les débats intellectuels et range assez vite ceux qui, comme Alain Finkielkraut, osent discuter franchement de la situation, dans la «fachosphère». Ainsi, entre Marine Le Pen et le CCIF (le Collectif contre l'Islamophobie en France), la ligne de crête est étroite, la parole contrôlée, la lucidité faible. Donner raison à l'extrême droite est une faute politique - au point de dissimuler certaines évidences. Quand au CCIF, il traîne devant les tribunaux ceux qui remettent en cause certaines dérives de la communauté musulmane - comme ce fut le cas pour Georges Bensoussan ou Pascal Bruckner. À cela s'ajoute une troisième peur: celle de s'en prendre «à la religion des pauvres» (ce qu'est l'Islam nous dit Emmanuel Todd), aux «damnés de la terre», aux victimes de la colonisation. Un gauchisme culturel, avec des kyrielles d'associations et des relais médiatiques et universitaires puissants, finit par considérer les victimes d'aujourd'hui comme des coupables historiques et les coupables d'aujourd'hui comme des victimes de ségrégations anciennes. L'histoire réglerait ses comptes sur le dos des innocents d'aujourd'hui avec des excuses raciales d'un côté et des culpabilités de blancheur de l'autre.

    Ces trois peurs se conjuguent pour éviter des remises en cause idéologique, pour promouvoir de la confusion intellectuelle, pour restreindre l'analyse. Quand les ennemis ne sont pas des ennemis, quand il ne faut rien dire de mal contre l'Islam et que toute l'insécurité culturelle ressentie par les électeurs du Front national est forcément exagérée, pour ne pas dire inventer, nos politiques sont presque aphones. Ils ne savent pas quoi dire. «Toute élite qui n'est pas prête à livrer bataille pour défendre ses positions est en pleine décadence» nous dit Pareto. Alors, faute de mieux, reste, avec emphase, une immense compassion pour les victimes et la dénonciation creuse de la «folie meurtrière» des assassins. Hier, le président de la République évoquait un «acte barbare». Reste la réponse sécuritaire qui prolongera indéfiniment «l'état d'urgence» que nous connaissons. Reste des bouquets de fleurs et des nounours déposés sur les lieux des attaques. Reste des mots d'ordre automatiques: «pas d'amalgame», «non à l'islamophobie». Chantal Delsol s'était étonnée, à juste titre, que lors des manifestations de Barcelone, la foule ne refusait pas «l'occidentalophobie» mais «l'islamophobie» comme si les terroristes s'en étaient pris à l'Islam alors même qu'ils s'en réclamaient. Ce paradoxe serait généreux s'il n'était pas tragique!

    Quel serait alors l'avantage, selon vous, après l'attentat de Marseille, de nous reconnaître en guerre?

    Les musulmans français ne sont pas des ennemis, c'est une évidence mais certains d'entre eux pratiquent une guerre contre cette Nation qu'ils haïssent et que nous n'aimons pas assez. N'oublions pas que François Hollande reconnaissait qu'une «partition du territoire» était en train de se produire quand son ministre de la ville constatait qu'existaient «cent Molenbeek» en France. Si nous voulons lutter contre ces dérives et ces spasmes terroristes

    qui agitent régulièrement la France (comme ce fut le cas hier à Marseille) encore faut-il lutter contre les terreaux idéologiques qui arment les consciences des terroristes. Pour désarmer les terroristes encore faut-il désarmer les consciences. La guerre civile est d'abord dans les têtes. Comment agir? En désamorçant les trois peurs évoquées plus haut. En réformant «l'islam de France» - contre l'islam consulaire et ceux des imams qui, sans contrôle, prêchent la haine - à la suite du rapport des sénatrices Féret et Goulet de juillet 2016. Or, ces réformes n'avancent pas alors que le temps est compté. En demandant aux Français musulmans, comme le fait Ghaled Bencheikh, de choisir entre les solidarités musulmanes et l'amour de la France. Or, des rapports parlementaires montrent que «la lutte contre la radicalisation», nouvel euphémisme inventé par nos politiques, est un échec. Elle coûte cher, s'appuie sur des analyses tronquées et des associations peu fiables. Ce sursaut n'est possible qu'à la condition de se hisser à hauteur de l'événement - et de l'attentat de Marseille, pour ne parler que de lui. Encore faut-il condamner l'angélisme multiculturel de certains et œuvrer (comme mon livre le propose) à une «déradicalisation de l'antiracisme». Que nous le voulions ou non, nous sommes en état de «guerre civile». Considérons-la pour mieux l'éviter. Une guerre, dit Lévinas, revient à «se saisir de la substance de l'autre» et à rechercher son «talon d'Achille». Les terroristes français, soldats de l'Etat islamique et de l'islamisme culturel, cultivent nos peurs et réussissent à se saisir de notre «substance». Ils nous poussant vers toujours plus de multiculturalisme, toujours plus de mutisme, toujours plus de détestation de nous-mêmes.

    Depuis 2015, on ne compte plus ce type d'attentats. Assiste-t-on à une forme de banalisation et de résignation?

    On est en mesure de le craindre. Que va-t-il se passer après Marseille? On aimerait penser à un sursaut. Mais, l'étouffement sous les ours en peluche et les larmes de crocodile est plus probable. Nous allons attendre une nouvelle manifestation de «folie meurtrière» sans tout mettre sur la table et s'en prendre aux complicités idéologiques musulmanes. Il ne faudrait pas nous exposer à passer pour un islomophobe primaire! Ainsi, sans le vouloir mais sans rien pouvoir faire pour l'éviter, nous irons de petites défaites en grands renoncements, d'attentats terroristes en habitudes résignées, de lassitudes angoissées en soumissions volontaires. Nous nous en prendrons alors, dans une sorte de passivité complice, à la défaillance de nos politiques, à cette grande défaite de l'intelligence et à notre manque de courage. Ce constat douloureux devrait suffir à provoquer un sursaut d'orgueil. Mais même l'orgueil est interdit à cette Europe qui a tant à expier, tant à se faire pardonner!

    Damien Le Guay, propos recueillis par Alexandre Devecchio (Figaro Vox, 2 octobre 2017)

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  • Tuer et mourir pour Dieu...

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    Le quatorzième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est consacré aux guerres de Religion.

    Au sommaire de ce numéro :

    Tuer et mourir au nom de Dieu par Philippe Conrad

    La France du "temps des troubles". Chronologie

    Charles Quint face à la dissidence protestante par Flore Gallois

    Les anabaptistes de Münster

    Prophétisme et révolte paysanne en Souabe (1524 - 1525)

    Les origines du conflit dans le royaume de France par Philippe Conrad

    1561. Le colloque de Poissy par Martin Benoist

    Un royaume dans le chaos des guerres civiles par Jean Kappel

    Le siège de Rouen par Emma Demeester

    La surprise de Meaux par Philippe Fraimbois

    La disgrâce de Michel de L'Hospital par Philippe Parroy

    Le massacre de la Saint-Barthélemy par Philippe Conrad

    Le vandalisme huguenot par Evelyne Navarre

    La marche vers le trône d'Henri de Navarre  par François Forestier

    Le meurtre du duc de Guise par Constance de Roscouré

    L'assassinat d'Henri III venge la mort d'Henri de Guise par François de Rouvre

    L’édit de Nantes rétablit la paix religieuse par Emma Demeester

    La Rochelle résiste à Richelieu par Philippe Fraimbois

    Cromwell écrase l'Irlande catholique par Evelyne Navarre

    La révocation de l'édit de Nantes par Philippe Parroy

    Le Midi protestant résiste : la guerre des camisards par Philippe Parroy

    Louis XVI et les Juifs par Philippe Conrad

    L'Islam et la guerre par Jacques Berrel

     

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  • Les premières semaines d’Emmanuel Macron vues par Alain de Benoist...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Breizh info et consacré aux premières semaines d'Emannuel Macron comme président de la République... Philosophe et essayiste, éditorialiste du magazine Éléments, Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis et anime l'émission Les idées à l'endroit sur TV Libertés. Il a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017) ainsi qu'un recueil d'articles intitulé Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et une étude sur L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

     

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    Pour Alain de Benoist, la réforme du code du travail pourrait entrainer des réactions violentes

    Breizh-info.com : Quelle est votre analyse, quelques jours après les élections législatives ? Que vous inspirent la nomination du nouveau gouvernement et les premières semaines d’Emmanuel Macron à la tête du pays ?

    Alain de Benoist : En refusant de se situer par rapport au clivage droite-gauche, afin de rassembler les « progressistes » et les libéraux de tous bords, Emmanuel Macron a accompli un double exploit : se faire élire président de la République dans les conditions que l’on sait et faire disparaître du paysage politique l’essentiel de l’ancienne classe dirigeante. Au-delà de l’ampleur de sa victoire aux élections législatives, ce qui frappe le plus, c’est l’ampleur du renouvellement qu’elle a provoqué. Le gouvernement est pour l’essentiel constitué de personnes inconnues du grand public (le plus souvent des énarques et des hauts fonctionnaires), et la vaste majorité des nouveaux députés, inconnus eux aussi, n’ont aucune expérience de la vie politique.

    Un pareil renouvellement, avec ce qu’il comporte de rajeunissement et de féminisation de la représentation nationale, ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la Ve République. Les deux anciens grands partis de gouvernement en sont les principales victimes : les socialistes sont réduits à l’état de groupuscule, les républicains sont en passe de se casser en deux, sinon en trois. C’est en cela, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, que l’élection de Macron représente un événement véritablement historique.

    Deuxième observation : le style Macron se précise, et tout donne à penser que l’homme est fondamentalement un autocrate. Le départ des ministres MoDem du gouvernement montre qu’il n’est pas homme à tergiverser. Il a fait accéder à la députation des hommes et des femmes qui n’ont pas été désignés par la base, mais sélectionnés d’en haut, selon des procédures d’embauche commerciale, par une commission à ses ordres. Ces nouveaux députés, plus inexpérimentés les uns que les autres, voteront comme un seul homme tout ce qu’on leur demandera de voter, à commencer par le recours aux ordonnances. Avec un Parlement transformé en simple chambre d’enregistrement, le renouvellement dont se réjouissent tant les médias se traduira donc par la neutralisation du pouvoir législatif.

    Breizh-info.com : L’abstention équivaut au fait que dix régions administratives sur treize ne seraient pas allées voter. La France est-elle en état de sécession avancée ?

    Alain de Benoist : L’abstention a effectivement battu tous les records (51 % au premier tour, 57,4 % au second). Mais, comme l’a dit Mélenchon, une vague d’une telle importance a un sens. Elle n’exprime pas seulement une lassitude bien compréhensible à l’issue d’une séquence électorale à six tours, voire le fatalisme et le sentiment que les jeux étaient faits d’avance (« après tout, on verra bien comment il va s’y prendre »). Elle ne touche pas indistinctement tous les milieux. Ce qui importe est donc de savoir qui s’est abstenu. Or, la réponse est claire : ce sont essentiellement les classes populaires qui se sont abstenues, et les classes supérieures qui ont le plus voté.

    On a pu dire qu’avec les nouveaux députés LREM, c’est la « société civile » qui entre au Parlement. C’est un leurre – qui traduit d’ailleurs bien ce que la classe dominante entend par « société civile ». Presque tous les nouveaux impétrants appartiennent aux professions libérales et aux classes supérieures (CSP +). Les classes populaires, pour ne rien dire des ouvriers, ne sont tout simplement pas représentées. Le bloc libéral macronien, pour reprendre l’expression des économistes Bruno Amable et Stefano Palombari, c’est le « bloc bourgeois ».

    La base sociale de LREM reste de ce fait très fragile. Les députés macroniens peuvent bien détenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale (306 sièges sur 577), ils ne représentent que 13 ou 15 % de l’électorat. Cela signifie que le « bloc bourgeois », quoique politiquement majoritaire, reste socialement minoritaire. Si l’on additionne les abstentions, les votes blancs et les votes nuls, il n’est pas exagéré de dire qu’une majorité de Français se trouvent aujourd’hui en état de sécession. Et que la ligne de fracture recoupe largement les frontières de classe.

    Breizh-info.com : La réforme du Code du travail ?

    Alain de Benoist : Elle vise, comme on le sait, à renverser la hiérarchie des normes existantes. Alors que jusqu’à présent le principe du droit du travail était que toute norme inférieure devait être conforme ou compatible avec la norme supérieure (ce qui signifiait qu’on ne pouvait pas accorder aux salariés moins que ce que prévoyait la norme supérieure), Emmanuel Macron veut faire en sorte que les accords d’entreprise priment désormais sur le contrat de travail défini par les normes nationales, les accords de branche ou les négociations collectives, ce qui permettra de déroger à la loi grâce à des accords d’entreprise que les salariés, n’étant plus en position de force, devront souvent approuver sous menace de licenciements ou de délocalisation.

    Sous prétexte de baisser le « coût du travail », l’objectif est de généraliser la « flexibilité », c’est-à-dire la précarité, de faire disparaître un certain nombre de protections sociales, d’aboutir à une baisse générale des rémunérations, et subsidiairement de plafonner les indemnités en cas de licenciement abusif. Avec ces « réformes structurelles », il s’agit donc de démanteler les fondements mêmes du droit du travail afin de soumettre les salariés aux exigences du capitalisme actionnarial, conformément aux vœux de la Commission européenne et du patronat. On favorisera ainsi le dumping social et l’on multipliera les « travailleurs pauvres » à l’exemple de ce qui s’est passé en Angleterre et en Allemagne. Mais on ne résoudra pas pour autant le problème du chômage, car la baisse ou la stagnation du pouvoir d’achat pèsera sur la demande, et la baisse de la demande fera que les entreprises n’auront pas de motif d’embaucher.

    Il est peu probable que cela ne suscite pas des réactions qui pourraient être violentes. On peut d’ailleurs se demander si le projet macronien d’intégration dans le droit pénal ordinaire de mesures d’exception destinées à lutter contre le terrorisme ne vise pas surtout à donner au gouvernement des moyens supplémentaires de faire face aux remous sociaux.

    Breizh-info.com : Un mot sur le Front national, qui a obtenu huit députés. Le système n’a-t-il pas intérêt, de fait, à favoriser l’immobilisme avec un FN maintenu en vie, grâce à des subventions financières, et l’impossibilité de l’émergence de toute autre force d’opposition pendant cinq ans ?

    Alain de Benoist : Le système a surtout besoin de contenir les « extrêmes » en gonflant au maximum le groupe central qui vient de s’installer au pouvoir, même si la base sociale de celui-ci est extrêmement réduite. Cela dit, la recomposition en cours n’épargnera la famille politique qui se reconnaît aujourd’hui dans le Front national. A certains égards, le FN apparaît désormais, à l’instar des ex-grands partis aujourd’hui en déclin, comme un héritage du passé. C’est un parti de l’ancien monde. Cela vaut pour tous les partis et tous les mouvements de type classique, avec leur système d’adhésion vieillot, leurs congrès annuels, leurs motions de synthèse, etc. Cette forme politique-là est aujourd’hui épuisée.

    Beaucoup de voix appellent actuellement à la refondation d’un « grand parti de droite ». C’est assez paradoxal à un moment où chacun peut constater que la victoire de Macron tient avant tout au fait qu’il a su dépasser le clivage gauche-droite en se situant d’emblée dans une perspective contre-populiste. Macron a su surfer sur ce qui constitue aujourd’hui le nouveau clivage majeur, « perdants versus gagnants de la mondialisation », comme le dit Jérôme Fourquet, qui ajoute que ce nouveau clivage, qui travaille aujourd’hui en profondeur tous les pays européens, « a désormais pris suffisamment de force pour supplanter la traditionnelle opposition gauche-droite ». Cela n’interdit pas, bien sûr, de rêver à une future alliance de Marion Maréchal-Le Pen, Laurent Wauquiez et quelques autres. On verra ce qui en sortira.

    Breizh-info.com : Daech vient de détruire à l’explosif la mosquée Al Nouri de Mossoul, pourtant l’un des joyaux de l’islam. Comment expliquez-vous cette propension à faire table rase du passé, y compris de leurs symboles, chez les islamistes ?

    Alain de Benoist : La destruction de la mosquée Al Nouri s’explique en fait par des raisons de circonstances : les gens de Daesh ne voulaient tout simplement pas que les forces irakiennes régulières s’en emparent. La destruction de Palmyre était plus significative. La propension à faire table rase du passé, en détruisant tout ce qui en maintient le souvenir, tout ce qui témoigne d’un avant, est une attitude classique chez ceux qui s’imaginent pouvoir inaugurer de manière absolue une nouvelle page d’histoire. L’avenir est radieux, le passé est haïssable ou honteux. Les témoignages du passé, à commencer par les monuments, doivent disparaître parce qu’ils rappellent qu’il existait auparavant une autre façon de vivre, de voir et d’habiter le monde.

    Aux premiers siècles de notre ère, les chrétiens ont systématiquement détruit des milliers de statues et de temples antiques. La Révolution française s’est pareillement attaquée aux « symboles de la tyrannie ». L’idéologie du progrès, même si elle n’a pas entraîné les mêmes ravages, repose elle aussi sur la dévaluation de principe de l’hier. Dans le cas de certains monothéismes, la prescription iconoclaste aggrave encore les choses. Au bout de la chaîne, on en arrive à ces jeunes qui disent : « Ca ne m’intéresse pas, puisque quand ça a eu lieu je n’étais pas né ». Vieux désir maladif de vouloir tout (re)construire, y compris soi-même, à partir de rien.

    Breizh-info.com : Un homme a récemment attaqué une mosquée à Londres. L’Angleterre, et plus globalement l’Europe de l’Ouest, sont-elles en voie de guerre civile ?

    Alain de Benoist : Des incidents de ce genre sont appelés à se multiplier. Ils sont éminemment contre-productifs, puisque cela permet aux pouvoirs publics de vanter encore un peu plus les vertus du « vivre ensemble » et aux islamistes radicaux de faire monter une pression dont ils espèrent tirer profit. De là à y voir le signe avant-coureur d’une guerre civile il y a de la marge. La première condition de possibilité d’une véritable guerre civile, opposant des factions opposées d’une même population (si ce n’est pas la même population, ce n’est pas une guerre civile), c’est l’effondrement de fait de tous les pouvoirs institués. Nous n’en sommes pas encore là.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh info, 28 juin 2017)

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  • Survivalisme et trahison des élites...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Piero San Giorgio au site Les non-alignés à propos de la vague d'attentats qui secoue l'Europe et de l'incapacité des élites politiques à assurer la protection des citoyens européens. Tête pensante dans le monde francophone d'une forme de survivalisme ou de décroissance résiliente et identitaire, Piero San Giorgio est l'auteur de Survivre à l'effondrement économique (Le Retour aux sources, 2011) et de Rues barbares (Le Retour aux sources, 2012).

     

                                     

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  • Pornographie...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque la pornographie de la société du Spectacle...

    Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet a publié l'automne dernier aux éditions Léo Scheer un roman intitulé Province.

     

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    Pornographie

    Qu’est-ce que l’Occident ? De la pornographie et des attentats : la guerre civile comme évènement pornographique, et la pornographie comme accomplissement extra-moral du narcissisme d’État. L’attentat islamiste de Manchester le montre on ne peut mieux : la presse, une nouvelle fois, ne parle de rien, sauf des faits, sur lesquels elle s’étend à loisir : l’identité du tueur, d’« origine »  libyenne, est, elle, quasiment passée sous silence pour faire place au larmoiement général, bougies, fleurs, nounours, embrassades, on ne se laissera pas abattre, on est fier d’être ce qu’on est, je suis Manchester, on éteint la tour Eiffel, on exhorte l’islam à se « réformer » – bref, tout le bataclan pleurnichard des peuples post-nationaux et des nations déchristianisées qui refusent de désigner l’origine islamo-communautariste du mal. Pornographie du discours : sa pauvreté nominative : « horrible attentat », « épouvantable attaque », « atrocité » ; et ceci : « On se serait cru dans un film de guerre ». On est en guerre, non dans un film, pauvre imbécile ; et vous ne voulez pas le voir ; et on vous fait croire qu’on va régler la question en « dialoguant » avec l’islam « modéré ». Une guerre qui met en présence un spectacle pornographique (l’aliénante sous-musique yankee) et l’hystérie islamiste, non moins aliénée : ils étaient faits pour se rencontrer, tout comme les bobos du Bataclan et leurs assassins, ou encore les journalistes de Charlie Hebdo et leurs tueurs.

    La pornographie, qui est l’autre nom du Spectacle, règne donc partout, et ne saurait être séparée de la vie quotidienne, où les attentats sont devenus des évènements, comme les catastrophes naturelles, les accidents de la route, les épidémies. Cette incapacité à différencier est hautement pornographique. Pour le reste, tout suit son cours : un magazine en ligne, madmoiZelle.com, publiait, cette semaine, un article (« à destination » d’adolescentes telles que celles qui étaient au spectacle de Manchester) : Comment masturber un pénis. Il est agrémenté de ce délicat chapeau : « Branler une bite n’est pas forcément inné. Alors, si vous vous demandez comment faire pour devenir meilleure à la tâche, suivez le guide. » Si ce sont là les « valeurs » qu’il s’agit de « défendre » contre les djihadistes, on ne pourrait que se réjouir de voir débarquer ces derniers dans les bureaux de l’officine où s’élabore ce magazine. J’exagère ? La guerre est là ; les « valeurs » prônées n’en sont pas plus que celle des djihadistes : la pornographie consiste à faire comme s’il y avait le Bien d’un côté et le Mal de l’autre, alors que les deux parties sont dans la main du Démon. Nous nous battons, nous, pour de tout autres valeurs, à commencer par l’honneur : celui de ne pas nous soumettre au consensus islamo-gaucho-capitaliste. Nous sommes en guerre, et n’avons nul regret de voir mourir des ennemis.

    Pornographique, encore, un certain Hanouna (histrion dont j’ignorais l’existence et sur lequel je crains de ne pas vouloir en savoir davantage) et ses blagues « homophobes », aussi insupportables que la pleurnicherie générale auprès du CSA. Le brame des offensés rejoint la bêtise d’une certaine Caroline de Haas qui prétend régler le « problème » des agressions « sexistes », dans le quartier de la Chapelle envahi d’immigrés musulmans et de Roms, en prônant « l’élargissement des trottoirs » qui deviendraient ainsi un lieu de passage convivial où s’élaborerait un nouveau « vivre ensemble ». Pornographique, aussi, la pétition publiée par le quotidien Libération, dans laquelle deux intouchables représentants du gauchisme culturel le plus obscène : Alain Badiou et Anus Ernie, accompagnés d’obscurs pétitionnaires, réclament la clémence de la justice pour l’ex-terroriste Rouillan, comme ils l’avaient fait pour le terroriste Battista qui, lui, ne connaît pas la crise financière, en son exil brésilien. Compromise dans tous les totalitarismes du XXe siècle, auto-amnistiée, élevée au rang de valeur suprême, l’ultra-gauche a encore de beaux jours devant elle, en Occident. Pornographiques, enfin, le grand prix des lectrices de Elle et le grand prix des lycéennes de Elle, décernés à la Marocaine d’ultra-centre-gauche Leila Slimani, pourtant déjà récompensée par le pornographique prix Goncourt, lequel ne couronne plus que des livres qu’on offre, non qu’on lit : obscène accumulation de prix, qui révèle que plus rien ne se vend, car plus rien ne se lit, plus rien ne s’écrivant qui mérite le nom de littérature, notamment sous le rapport du style. Des livres jetables, comme on dit dans l’édition. Et des auteurs zombies écrivant une « langue fantôme ». L’absence de style est la grande pornographie post-littéraire, tout comme la perfection est, selon Baudrillard, un signe totalitaire – et, pour nous, en ce domaine comme en politique, un signe démoniaque, ainsi que je l’avais suggéré pour les crimes de Breivik. On n’a pas voulu l’entendre. On a pétitionné contre moi : la pétition comme acte porno. Le nihilisme règne, qui a ouvert au fond de chacun le tonneau percé de ses illusions, à commencer par celle que les Européens sont encore vivants.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 24 mai 2017)

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  • Dans la tête de Laurent Obertone...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Laurent Obertone publié sur le site de son éditeur Ring. Journaliste, Laurent Obertone est l'auteur de La France Orange mécanique (Ring, 2013) et de La France Big Brother (Ring, 2015), ainsi que du récit Utøya (Ring, 2013) et du roman Guérilla (Ring, 2016)....

     

                                             
                                           30 minutes dans la tête de Laurent Obertone. par Editions_Ring

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